Petit rappel sur ce que sont les légumineuses :
Les légumineuses regroupent notamment les haricots secs, les pois secs, les lentilles, les pois chiches, les fèves, les lupins, les pois de vache (ou niébé, également appelés cornille), les pois pigeons (Cajanus cajan) ainsi que d’autres espèces apparentées. Elles sont consommées pour leur teneur en protéines théoriques, mais seulement partiellement assimilables, pour leurs fibres et certains minéraux. Elles sont réputées pour leur bonne conservation à sec, leur faible coût et leur utilisation culinaire répandue dans le monde entier.
Les limites nutritionnelles des protéines végétales
Les légumineuses ne couvrent pas à elles seules l’ensemble des acides aminés indispensables, contrairement à la viande. Elles sont généralement déficitaires en méthionine et en cystéine, tandis que les céréales manquent de lysine. C’est pourquoi, depuis longtemps, on associe les légumineuses et les céréales dans un même repas. Cette complémentarité permet de corriger le profil en acides aminés mais n’améliore pas la digestibilité intrinsèque des protéines. En revanche, cette combinaison présente un inconvénient majeur car les légumineuses et les céréales sont toutes deux riches en glucides. À portion protéique équivalente à celle de la viande, elles apportent une charge glucidique importante qui accroît une consommation quotidienne de sucres déjà excessive.
Les méthodes modernes d’évaluation de la qualité protéique, notamment le DIAAS (Digestible Indispensable Amino Acid Score, ou score de digestibilité des acides aminés indispensables) recommandé par la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) en remplacement du PDCAAS (Protein Digestibility Corrected Amino Acid Score, ou score de digestibilité corrigé des acides aminés), montrent des scores inférieurs pour la plupart des légumineuses par rapport aux protéines animales comme le lait, l’œuf ou le bœuf.
Les rapports de la FAO (Organisation des Nations-Unies pour l'alimentation et l'agriculture) de 2013 et documents ultérieurs établissent clairement le choix de la méthode DIAAS (Digestible Indispensable Amino Acid Score) comme la plus précise actuellement disponible. Elle permet des comparaisons plus justes, grâce notamment à une mesure de la digestibilité et l'absorption, ainsi qu'une analyse plus poussée des protéines de haute qualité. Les conclusions : les protéines animales présentent systématiquement des scores de qualité supérieurs aux protéines végétales, principalement en raison de leur profil complet en acides aminés essentiels et de leur digestibilité supérieure. Pour que des régimes végétaux puissent répondre aux besoins protéiques, il faut passer par la complémentation protéique (légumineuses + céréales), l'augmentation des quantités consommées et la mise en place de techniques de traitement des protéines végétales (trempage, fermentation, germination, traitements thermiques, enrichissement en acides aminés, ...). Quelques scores DIAAS tirés des rapports FAO entre 2013 et 2019 : Lait et produits laitiers: DIAAS généralement >100-140 // Œufs: DIAAS = 120-130 // Viandes (bœuf, porc, poulet): DIAAS = 100-120 // Poissons: DIAAS = 100-115 // Soja: DIAAS = 70-90 (selon traitement thermique) // Pois: DIAAS = 60-75 // Blé: DIAAS = 40-50 // Riz: DIAAS = 60-70 // Haricots: DIAAS = 50-70
Évaluation de la qualité des protéines alimentaires en nutrition humaine - Rapport d'une consultation d'expert de la FAO , 31 Mars - 2 Avril 2011, Auckland, Nouvelle-Zélande.
À cette charge glucidique s’ajoute la présence de fibres et d’oligosaccharides fermentescibles, ce qui augmente le volume digestif et peut provoquer des inconforts intestinaux chez certaines personnes.
Anti-nutriments des graines et effets sur l’absorption
Une graine a pour finalité de germer. Elle concentre donc des composés de défense qui protègent l’embryon et limitent la prédation. Les légumineuses contiennent ainsi des anti-nutriments comme l’acide phytique, des lectines, des inhibiteurs de protéases et des tanins.
L’acide phytique se lie aux minéraux et réduit l’absorption du fer non héminique, du zinc et du calcium. Les inhibiteurs de protéases diminuent l’efficacité de nos enzymes digestives sur les protéines. Les lectines, très présentes dans certaines espèces comme les haricots rouges, sont en partie inactivées par un traitement thermique adapté mais peuvent tout de même provoquer des troubles digestifs.
Les oligosaccharides de la famille du raffinose et de la stachyose sont peu digérés et fermentent dans le côlon, ce qui provoque ballonnements, gaz et inconfort digestif. Des procédés traditionnels comme le trempage, la germination, la fermentation et surtout une cuisson appropriée permettent de réduire partiellement ces composés, mais la biodisponibilité des protéines et des minéraux reste limitée.
Des études menées à divers endroits du globe fournissent des données quantitatives solides sur les anti-nutriments et leurs conséquences mesurables sur l'absorption minérale (fer, zinc, calcium) et la digestibilité des protéines végétales. A titre d'exemple, une récente étude menée en Suède a examiné 44 substituts de viande à base de protéines végétales disponibles sur le marché suédois et a analysé en détail comment l'acide phytique avait un impact sur l'absorption du fer et du zinc. 1) L'étude démontre qu'aucun des produits ne pouvait être considéré comme une bonne source de fer biodisponible en raison des teneurs élevées en phytate selon le rapport molaire phytate:minéral. 2) Les produits testés ne pouvaient se vanter d'une quelconque tenue en zinc, leur ratio (selon le rapport molaire phytate:minéral toujours) étant inférieur au seuil minimum pour cette allégation. Seuls les produits à base de mycoprotéines montraient des ratios satisfaisants. Les mycoprotéines sont un type de protéines fabriquées à partir de champignons.
Mayer Labba, I.C., Steinhausen, H., Almius, L., Bach Knudsen, K.E. et Sandberg, A.S., 2022, Composition nutritionnelle et biodisponibilité estimée du fer et du zinc des substituts de viande disponibles sur le marché suédois, Revue Nutrients.
Assimilation comparée avec les protéines animales
Les protéines animales présentent en règle générale un profil complet en acides aminés, proche de nos besoins, avec une digestibilité supérieure et des nutriments essentiels sous des formes facilement utilisables par l’organisme, notamment la vitamine B12 présente uniquement dans les aliments animaux, le fer sous forme héminique très biodisponible, ainsi que des oligoéléments comme le zinc et le sélénium facilement absorbables. Ces caractéristiques permettent une assimilation efficace et directe, contrairement aux protéines végétales souvent incomplètes et moins digestibles.
Pour les ruminants, une alimentation exclusive à l’herbe, sans aucun apport de céréales ni de protéines ou de graisses végétales, augmente la proportion d’acides gras oméga-3 et de CLA dans la viande et favorise également une teneur plus élevée en antioxydants liposolubles, ce qui améliore encore sa densité nutritionnelle déjà parfaite.
Les légumineuses les plus consommées : apports nutritionnels, anti-nutriments typiques et céréales associées
Il est important de noter que la valeur nutritionnelle que l’on considère pour l’alimentation humaine repose sur la teneur en protéines lorsque la graine est cuite, et non sur la teneur à l’état sec, car la cuisson modifie la densité en nutriments.
- La lentille, originaire du Croissant fertile et d’Asie du Sud-Ouest, apporte pour 100 grammes cuits environ 9 grammes de protéines, 20 grammes de glucides, des fibres et du fer non héminique. Elle est limitée en méthionine et contient de l’acide phytique et des tanins. Elle est traditionnellement associée au riz ou au blé pour compléter son profil en acides aminés.
- Le pois chiche, venu du Moyen-Orient, fournit 8 à 9 grammes de protéines, plus de 25 grammes de glucides, des fibres et du manganèse pour 100 grammes cuits. Il est déficitaire en méthionine et contient de l’acide phytique, des inhibiteurs de protéases et des oligosaccharides fermentescibles. On le consomme traditionnellement avec du blé, du riz ou du maïs.
- L’haricot sec, qu’il soit noir, rouge, blanc ou pinto, originaire des Amériques, apporte 8 à 9 grammes de protéines et 20 à 25 grammes de glucides pour 100 grammes cuits. Il est limité en méthionine et contient de l’acide phytique, des lectines thermolabiles et des oligosaccharides fermentescibles. Il est classiquement associé au maïs ou au riz.
- Le pois sec ou pois cassé, consommé depuis l’Antiquité en Méditerranée et en Europe, fournit 8 à 9 grammes de protéines et 20 grammes de glucides pour 100 grammes cuits. Il contient de l’acide phytique et des inhibiteurs de protéases et est traditionnellement associé à l’orge, au blé ou au riz.
- La fève et la féverole, originaires du Moyen-Orient et de la Méditerranée, apportent environ 8 grammes de protéines pour 100 grammes cuits. Elles contiennent de l’acide phytique et des inhibiteurs de protéases et sont consommées avec le blé, l’orge ou le riz.
- Le pois de vache ou niébé, venu d’Afrique subsaharienne, présente des caractéristiques proches des haricots communs. Il est limité en méthionine et contient de l’acide phytique ainsi que des oligosaccharides. Il est souvent associé au mil ou au sorgho.
- Le pois pigeon, originaire d’Inde et d’Afrique de l’Est, offre des teneurs similaires aux haricots avec une limitation en acides aminés soufrés, de l’acide phytique et des inhibiteurs de protéases. Il est traditionnellement consommé avec du riz, du mil ou du sorgho.
- Le lupin, venu de la Méditerranée et des Andes, est très riche en protéines à l’état sec mais contient des alcaloïdes amers et des anti-nutriments. Il est limité en méthionine et souvent intégré en farine avec le blé.
- Le mungo, originaire d’Inde, fournit environ 7 grammes de protéines pour 100 grammes cuits. Il est limité en méthionine et contient de l’acide phytique et des oligosaccharides. Il est traditionnellement consommé avec du riz.
- Le soja, originaire de Chine, est très riche en protéines à l’état sec, mais nécessite des traitements thermiques ou fermentaires pour réduire l’acide phytique et les inhibiteurs de trypsine. Il est limité en méthionine et consommé classiquement avec du riz.
- L’arachide, venue d’Amérique du Sud, est plus riche en lipides qu’en protéines et contient de l’acide phytique ainsi que des inhibiteurs de trypsine. Elle est traditionnellement associée au maïs, au mil ou au riz dans de nombreuses cultures.
Conclusion
Les légumineuses sont consommées depuis seulement quelques milliers d’années pour leur apport énergétique et comme aliment de survie. Cependant, elles ne constituent en aucun cas une source de protéines optimale. Leur profil en acides aminés est incomplet, elles doivent être obligatoirement associées à des céréales pour couvrir tous les besoins, et cette combinaison entraîne une forte charge glucidique, donc un apport élevé en sucre. Les protéines et les micronutriments qu’elles contiennent sont moins assimilables en raison des anti-nutriments tels que l’acide phytique, les tanins et les inhibiteurs de protéases.
Les techniques traditionnelles comme le trempage prolongé, le rinçage, la cuisson sous pression, la fermentation ou la germination réduisent partiellement ces facteurs défavorables et améliorent la tolérance digestive, mais restent insuffisantes en comparaison des avantages nutritionnels des protéines animales. Pour la construction et l’entretien des tissus avec une digestion optimale et une densité maximale en micronutriments essentiels comme la vitamine B12 et le fer héminique, les protéines animales demeurent nettement supérieures.
Penser que les protéines végétales sont équivalentes aux protéines animales peut entraîner à court, moyen ou long terme des problèmes de santé ou de carences que l’on ne s’attendait pas à voir survenir.
Elles ne sont pas forcément à retirer de l’alimentation, mais à consommer de manière raisonnée de temps en temps.