Focus sur un sucre particulier, le fructose – Partie 1

1 – Le fructose c’est quoi ?

Le fructose est un sucre simple (ou monosaccharide) que l’on trouve naturellement dans les fruits, d’où son nom, ainsi que dans le miel.
Combiné au glucose, il forme le saccharose, un sucre présent dans certains fruits et légumes. Ce saccharose, produit par les plantes grâce à la photosynthèse, est constitué d’une molécule de glucose liée à une molécule de fructose. Certaines plantes, comme la canne à sucre ou la betterave sucrière, en contiennent de grandes quantités, ce qui a conduit les industries agroalimentaires à les exploiter pour en extraire un saccharose raffiné, plus connu sous le nom de sucre de table.

 

Aujourd’hui, ce saccharose est devenu un ingrédient omniprésent dans notre alimentation. On le retrouve en grande quantité dans les desserts et plats sucrés, qu’ils soient industriels ou faits maison, mais aussi dans une majorité d’aliments transformés, y compris salés. Or, on oublie souvent qu’il est composé à 50 % de fructose.

 

Le fructose pur est également ajouté sous forme de sirop de fructose ou de sirop de maïs à haute teneur en fructose (HFCS) dans de nombreux produits transformés, pour en améliorer la conservation, la texture ou renforcer leur goût sucré. Ces formes de fructose sont souvent plus concentrées que celles présentes dans les fruits, et sont absorbées beaucoup plus rapidement par l’organisme.

 

Pourtant, la consommation excessive de fructose pose plusieurs problèmes à notre organisme, notamment en ce qui concerne son absorption intestinale, sa métabolisation hépatique et son impact sur le métabolisme lipidique. Le foie est le principal organe chargé de transformer le fructose, ce qui, en cas de surcharge, peut entraîner des effets délétères comme une résistance à l’insuline, une prise de poids, une stéatose hépatique (foie gras non alcoolique), et un risque accru de troubles métaboliques.

2 – Le métabolisme du fructose

Bien que le fructose soit une molécule simple de sucre, son métabolisme diffère considérablement de celui du glucose, qui peut, lui, être directement utilisé comme carburant par nos cellules.
Le glucose, présent dans les fruits, les céréales et les sucres concentrés, est transporté vers les cellules grâce à l’insuline. Une partie sera transformée en énergie ou stockée sous forme de glycogène dans le foie et les muscles. La capacité de stockage du glycogène étant limitée, l’excès de glucose est ensuite converti en graisses et stocké dans les cellules adipeuses.

 

Le fructose, quant à lui, ne peut être utilisé que très partiellement par les cellules de l’organisme, principalement au niveau intestinal. Dans sa grande majorité, il est métabolisé par le foie, qui peine aujourd’hui à gérer l’afflux massif de fructose lié à l’alimentation occidentale moderne.

 

Le fructose est rapidement absorbé par l’intestin et transporté par la circulation sanguine jusqu’au foie. Contrairement au glucose, il n’est pas capté par l’insuline et n’a donc pas d’effet direct sur la glycémie. C’est cette propriété qui, dans les années 1990, a conduit à la fausse idée qu’il s’agissait d’un sucre sain. En réalité, le fructose contourne la régulation métabolique classique et entre directement dans des voies de transformation hépatique. Ce qui est évidemment un problème majeur en cas de consommation quotidienne et de surconsommation.

 

Une fois dans le foie, le fructose peut être converti en glucose, en glycogène, en lactate, ou encore en triglycérides par la voie de la lipogenèse hépatique. Or, la capacité du foie à stocker du glycogène étant très inférieure à la quantité de fructose généralement consommée, l’excès est rapidement transformé en graisse.

 

Ces graisses, issues de la dégradation du fructose, s’accumulent dans les cellules hépatiques, entraînant progressivement une stéatose hépatique non alcoolique (également appelée foie gras ou NASH). De plus en plus répandue et en passe de devenir une véritable épidémie, cette maladie silencieuse peut mettre des années à se manifester par des symptômes, ce qui la rend particulièrement insidieuse. Elle altère progressivement le fonctionnement du foie et peut, dans certains cas, évoluer vers une cirrhose, voire un cancer hépatique.

 

Les acides gras produits à partir du fructose ne se limitent pas au foie. Ils sont également stockés autour des organes et du cœur, entraînant une graisse viscérale, notamment abdominale, considérée comme l’une des plus délétères pour la santé. Cette accumulation favorise l’apparition de nombreuses pathologies métaboliques : prise de poids, obésité, résistance à l’insuline, diabète de type 2, hypertension artérielle, syndrome métabolique, excès d’acide urique (facteur de risque pour la goutte), et maladies cardiovasculaires.

 

En résumé, un apport élevé et régulier en fructose surcharge le foie et déséquilibre profondément le métabolisme, sans que cela soit immédiatement visible sur la glycémie. C’est ce qui rend ses effets encore plus sournois.

3 – Pourquoi consommons-nous trop de fructose ?

Il peut paraître étonnant, voire surprenant, que le fructose pose autant de problèmes, alors qu’il s’agit d’un sucre naturellement présent dans les fruits et dans de nombreux végétaux sous forme de saccharose.

 

Le problème ne vient pas de la nature du fructose, mais de la quantité et de la fréquence à laquelle nous le consommons aujourd’hui. Si son métabolisme repose presque exclusivement sur le foie, c’est parce que, dans notre environnement originel, nous y étions très peu exposés, et de manière très ponctuelle. En effet, dans la nature, le fructose est présent en faible quantité dans les fruits sauvages, uniquement à certaines périodes de l’année. Notre organisme utilisait cette source d’énergie pour stocker des graisses, utiles à sa survie lors des périodes de disette ou de transition saisonnière. Le corps passait ensuite en mode d’utilisation de ces réserves, ce qui rendait ce mécanisme parfaitement adapté à un mode de vie ancestral.

 

Ainsi, notre métabolisme n’a jamais eu besoin de développer des voies complexes pour gérer de grandes quantités de fructose. Il reste donc limité à sa capacité initiale d’absorption et de traitement, prévue pour des apports occasionnels et modérés. Notre physiologie n’est pas adaptée à l’exposition constante et massive aux sucres, aux glucides et, en particulier, au fructose, comme c’est le cas aujourd’hui.

 

Depuis des millénaires, avec une accélération au cours des derniers siècles, les humains ont modifié les plantes, les céréales et les fruits pour en accroître la teneur en sucre, leur jutosité et leur douceur. Grâce à la sélection variétale et aux croisements génétiques, les fruits modernes sont devenus beaucoup plus sucrés et riches en fructose que leurs ancêtres sauvages. La comparaison entre les fruits actuels et leurs équivalents d’origine devient difficile tant ils diffèrent sur le plan nutritionnel.

 

En parallèle, nous avons sélectionné des variétés plus productives, avec une période de fructification plus longue et une meilleure capacité de conservation. L’exportation permet désormais de consommer nos fruits préférés toute l’année, et nous avons un accès permanent à des fruits exotiques également sélectionnés et transformés, particulièrement riches en sucre, donc en fructose.

 

Cependant, la concentration accrue en fructose des fruits modernes ne suffit pas à expliquer à elle seule le danger actuel. Le risque de surconsommation est bien plus élevé avec les sucres concentrés que l’on retrouve dans les produits transformés.

 

Ce sont surtout les sucres industriels raffinés, comme le sucre de table (issu de la betterave ou de la canne à sucre) ou le sirop de maïs riche en fructose, qui sont responsables de la majorité des excès actuels. Ces sucres sont massivement ajoutés dans les produits industriels sucrés, mais aussi salés, souvent à notre insu. L’utilisation régulière du sucre de table dans la préparation des desserts et des recettes maison contribue également à cette surconsommation. Nos habitudes alimentaires, comme la consommation quotidienne de confitures au petit déjeuner ou au goûter, ne font qu’aggraver le problème.

 

Les jus de fruits représentent également un danger souvent sous-estimé. Ils ne contiennent presque plus de fibres et concentrent une quantité de fructose bien plus élevée qu’un fruit entier. Boire un verre de jus revient à consommer l’équivalent de plusieurs fruits en quelques gorgées, ce qui n’aurait pas été possible sous leur forme naturelle.

 

Enfin, en pensant faire un choix plus sain, beaucoup de personnes se sont tournées vers des sucres à index glycémique bas, comme le sirop d’agave, sans connaître leurs inconvénients. Ce dernier, pourtant très riche en fructose, a souvent été consommé en excès, contribuant lui aussi à la surconsommation générale de ce sucre problématique.