Focus sur un sucre particulier, le fructose – Partie 2

La consommation de fructose a un impact sur notre santé. Alors, peut-on en consommer et à quelle fréquence ?

1 – Les effets du fructose sur la santé

Le fait que le fructose, qui fait aujourd’hui partie de l’alimentation quotidienne de nombreuses personnes, ne puisse être métabolisé que par le foie, majoritairement sous forme de graisse, pose rapidement des problèmes de stockage et de gestion des réserves, qui s’accumulent sans pouvoir être utilisées. Les effets néfastes apparaissent alors plus ou moins rapidement.

  • La stéatose hépatique : le fructose joue un rôle majeur dans le développement de la stéatose hépatique non alcoolique couramment appelée maladie du foie gras. La stéatose hépatique génère une inflammation du foie pouvant dégénérer en maladies plus graves : cirrhose du foie, cancer du foie, etc. Cette affection touche déjà une grande partie de la population et les estimations sont alarmistes concernant les années à venir. Les enfants et les adolescents ne sont pas épargnés par ce problème.

La stéatose hépatique concerne près 25 % de la population mondiale, représentant la maladie chronique du foie la plus répandue. En France, en 2020, 18,2% de la population présentait une stéatose non alcoolique, soit près d’un français adulte sur cinq. Les estimations prévoient que cette part fasse plus que doubler d'ici 2030.

  • Le syndrome métabolique : On reconnaît le plus souvent le développement d’un syndrome métabolique à l’augmentation progressive du tour de taille du fait de l’excès de graisse viscérale qui s’accumule dans la zone abdominale et à au moins deux autres anomalies parmi les suivantes :
    • une hyperglycémie (excès de sucre dans le sang),
      un taux de triglycérides élevé,
    • un faible taux de « bon » cholestérol HDL,
    • une tension artérielle trop haute.

    Métabolisé par le foie puis stocké autour des organes, le fructose joue un rôle majeur en augmentant dangereusement la masse graisseuse abdominale et la quantité de graisses dans le foie. Le syndrome métabolique augmente le risque de développer des problèmes cardiovasculaires (infarctus, AVC), des maladies du foie et du rein, de la résistance à l’insuline et du diabète de type 2, de l’apnée du sommeil, des maladies gynécologiques, et, bien entendu, il augmente considérablement le risque d’obésité.

  • Appétit – Hyperphagie – Troubles du comportement alimentaire : La consommation de fructose peut diminuer la sensation de satiété, en entraînant une résistance à l’hormone de satiété, la leptine, avec les risques que cela comporte d’augmenter l’envie de manger et de ne pas pouvoir s’arrêter. Le glucose ayant déjà un pouvoir addictif important, la prudence doit rester de mise quant à la place du fructose, qui a un pouvoir sucrant 5 fois plus élevé, dans les troubles du comportement alimentaire. Surtout quand on sait qu’il est devenu le sucre majoritairement utilisé par l’industrie agro-alimentaire sous forme de sirop de fructose ou glucose-fructose dans les produits de consommation courante, salés comme sucrés.
  • Prise de poids et obésité : On retrouve le sucre sous toutes ses formes (du sucre de table aux sirops industriels) quasiment partout. Les en-cas sucrés ou salés (contenant des sucres cachés) se succèdent tout au long de la journée avec des habitudes alimentaires changeantes ces dernières décennies. Les processus de stockage du glucose et du fructose dans les tissus adipeux et la sphère viscérale amènent progressivement à la prise de poids, et même à l’obésité, avec tous les risques de santé bien connus associés, dont les problèmes cardiovasculaires et articulaires, le diabète de type 2, de nombreux cancers.
  • Résistance à l’insuline : Les études ont démontré que le fructose diminue la sensibilité à l’insuline, particulièrement au niveau du foie. Même s’il demeure un doute quant à un lien direct entre le métabolisme du fructose et la résistance à l’insuline, du fait du manque d’études menées sur le sujet, il est admis que le fructose stimule la lipogenèse, une suite de réactions chimiques permettant la synthèse des lipides à partir du fructose et du glucose notamment. Autrement dit, la transformation du sucre en graisses censées devenir des réserves d’énergie. Une consommation excessive et constante de fructose favorise l’hyperactivité de la lipogenèse, qui est un facteur de prise de poids menant à diverses affections comme la résistance à l’insuline, la stéatose hépatique, le diabète de type 2.
  • Le diabète de type 2 : Le fructose a longtemps été considéré comme un sucre convenant aux personnes diabétiques car il ne fait pas monter la glycémie immédiatement après sa consommation. Or, cela s’est avéré délétère et a participé au développement croissant de la maladie. Le pourcentage de personnes atteintes ne fait que progresser et il est couramment admis par la communauté scientifique que les chiffres sont bien en dessous de la réalité, car nombre des personnes atteintes du diabète de type 2 pourraient ne pas savoir souffrir de cette maladie et ne pas être diagnostiquées. En effet, avant son stade dangereux pour la santé avec des symptômes bien visibles, cette maladie évolue en silence et sans douleur.

Le diabète de type 2 concerne aujourd’hui environ 537 millions de personnes dans le monde selon les estimations de 2021(1). En France, à cette même date, plus de 4 millions de personnes étaient traitées par médicament pour un diabète, tous diabètes confondus, soit plus de 6 % de la population (2). En moyenne selon les chiffres de 2006, il peut s’écouler entre 9 et 12 ans avant que les symptômes découlant du diabète de type 2 ne trahissent sa présence. Du fait du caractère silencieux de la maladie, une grande partie de la population pourrait avoir déjà développé cette maladie sans le savoir. En effet, environ 1 français sur 2 n’a jamais réalisé de dépistage (3). Selon l’Inserm, on pourrait estimer de 20 à 30% la part des adultes diabétiques non diagnostiqués. Cette part diminuerait avec l’âge, tombant autour des 13 % chez les 55–74 ans, le dépistage et les symptômes étant plus fréquents dans cette catégorie d’âge (4).

    Le fructose est le principal moteur du diabète de type 2.
  • Autres effets du fructose :
    • La consommation de fructose engendre l’augmentation des lipides et du cholestérol dans le sang. Il réduit le bon cholestérol (HDL) dans le sang, ce qui contribue généralement à des problèmes cardiovasculaires.
    • Le fructose peut augmenter les niveaux de triglycérides dans le sang, ce qui est associé à un risque accru de maladies cardiovasculaires.
    • Une consommation élevée de fructose peut augmenter la pression artérielle.
    • Le métabolisme du fructose peut augmenter les niveaux d’acide urique, potentiellement liés à la goutte et à l’hypertension.
    • Comme tous les sucres, le fructose a un impact sur la santé bucco-dentaire et peut contribuer à la formation de caries.

Même si, dans la majorité des cas, les problèmes de santé liés au fructose proviennent d’une consommation excessive d’édulcorants et de sucres concentrés industriels (ajoutés dans l’alimentation transformée et ultra-transformée, les boissons sucrées ou encore dans nos recettes maison, comme le sucre blanc ou roux de canne ou de betterave, le sirop d’agave, les jus de fruits, etc.), il ne faut pas oublier qu’une consommation excessive de fruits, pourtant considérés comme sains, peut également poser problème.

 

En effet, en pensant bien faire, de nombreuses personnes consomment des fruits tout au long de l’année, sans faire de pause saisonnière. Or, les fruits modernes, souvent très sucrés, savoureux et presque addictifs, peuvent entraîner une consommation trop fréquente et trop abondante, exposant ainsi à un excès chronique de fructose, même s’il est d’origine naturelle. Leur richesse en fibres et en nutriments, bien qu’utile, ne suffit pas à compenser les effets délétères d’une surconsommation.

 

À l’inverse, une consommation raisonnée et saisonnière, principalement durant les mois les plus chauds, du printemps à l’automne, avec une période de pause hivernale, permet au corps de mobiliser les graisses stockées à partir du fructose, notamment dans le foie, et de retrouver un certain équilibre métabolique.

 

Les baies rouges, naturellement moins sucrées, plus riches en fibres et en vitamines, sont à privilégier. En parallèle, une alimentation équilibrée, incluant une consommation modérée de féculents et de céréales, permet de continuer à profiter des fruits de saison tout en limitant les effets néfastes d’un excès de glucides.

2 – Combien de fructose est-il possible de consommer chaque jour ?

Le fait que le fructose doive être transformé par le foie et soit, en grande partie, stocké sous forme de graisses constitue déjà une réponse importante à cette question. Notre corps n’a pas évolué pour gérer une consommation permanente de grandes quantités de fructose.

 

Peut-être que nos lointains ancêtres, à l’époque des primates ou des tout premiers hominidés, étaient plus adaptés à une alimentation riche en fruits contenant du fructose. Mais les lignées humaines dont nous descendons ont surtout survécu en consommant principalement des produits animaux. Cette tendance s’est renforcée avec la colonisation progressive de l’ensemble des régions habitables de la planète, en particulier les zones froides et tempérées, où les sources naturelles de fructose sont rares ou saisonnières. Cette adaptation s’est construite sur plus de 2,5 millions d’années avant la sédentarisation et probablement davantage.

 

La sédentarisation, survenue il y a environ 10 000 ans, a marqué un tournant : la consommation de glucides, notamment à travers les céréales, a commencé à augmenter. Cette consommation est devenue excessive au fil du temps, notamment depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec une explosion de la disponibilité des sucres raffinés et des produits transformés. Or, quelques millénaires et d’autant plus quelques centaines d’années sont insuffisants pour permettre à notre organisme de s’adapter à une consommation quotidienne, croissante et constante de fructose, comme celle que nous connaissons aujourd’hui, avec des fruits disponibles toute l’année, hors saison, et de nombreux aliments saturés en sucre.

 

Comme la très grande majorité du fructose consommé est stockée sous forme de graisses, il est crucial de permettre à notre organisme de mobiliser ces réserves. La montée inquiétante des maladies du foie, notamment la stéatose hépatique non alcoolique (ou NASH, nommée aussi foie gras), illustre bien les effets délétères d’une consommation régulière de fructose, généralement associée au glucose.

 

Malheureusement, au-delà des recommandations générales sur les apports journaliers en sucre, il n’existe pas de limite officielle spécifique au fructose. Pourtant, ce sucre possède un métabolisme unique, entièrement pris en charge par le foie, ce qui devrait justifier des recommandations distinctes. Par prudence, et au vu de ses effets bien documentés, il serait sage d’éviter une consommation quotidienne de fructose, ou tout du moins de le consommer de manière très modérée.

 

L’idéal serait d’interrompre sa consommation pendant des périodes suffisamment longues pour permettre à l’organisme d’utiliser les réserves accumulées. Cela permettrait d’éviter que le fructose ne s’accumule indéfiniment sous forme de graisses, dans le foie, autour des organes et dans la région abdominale, avec tous les risques graves que cela entraîne (inflammation, résistance à l’insuline, maladies métaboliques…).

 

Revenir à un rythme saisonnier pour la consommation de fruits, réduire drastiquement les apports quotidiens en sucres ajoutés et en glucides, peut nous aider à moins stocker et à mieux utiliser les graisses, qui sont un carburant naturel, propre, efficace et abondant pour notre corps.

 

La question de la quantité « sans danger » de fructose à consommer chaque jour reste difficile à trancher. Ses effets ne sont pas toujours immédiats, mais ils finissent par apparaître à moyen ou à long terme, et concernent très probablement la majorité d’entre nous.

Un rappel : La quantité de sucre recommandée par l’Organisation mondiale de la santé, hors fruits frais et lait, est de 5 % maximum des apports énergétiques quotidiens, c'est-à-dire, l'équivalent de 25 grammes par jour, soit six cuillères à café de sucre pour une ration de 2.000 calories pour les adultes et 12,5 grammes pour les enfants. Cependant, elle rappelle qu’il est préférable de limiter sa consommation de sucre autant que possible, voire de ne pas en consommer quotidiennement. A noter : En France, la moyenne de consommation est de 35 kg de sucre par an et par habitant, soit 95 grammes par jour, quatre fois la dose préconisée. C’est aussi bien plus que la moyenne mondiale, autour de 20 kg.

Il n’existe pas de sucres essentiels, contrairement à d’autres nutriments indispensables. Notre corps peut parfaitement se passer de sucres ajoutés ou d’aliments sucrés, car il est capable de produire le peu de glucose dont il a réellement besoin à partir de la plupart des aliments consommés, notamment les protéines et certains acides aminés.

 

Autant les protéines et les lipides sont vitaux, autant on peut vivre sans consommer de glucides, qu’ils soient simples ou complexes. Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille les exclure totalement. Cette capacité de fabriquer du glucose à partir des protéines s’est avérée utile comme mécanisme de survie au cours de l’évolution en cas de nécessité.

 

Consommer une quantité adaptée de glucides, comme les baies ou les légumes, ne pose aucun problème tant que l’on conserve une bonne capacité à utiliser les graisses comme carburant principal. C’est cela qui garantit un bon équilibre métabolique.

 

Ce sont nos habitudes alimentaires modernes qui ont rendu difficile le fait de se passer de sucre et de glucides. Si c’est votre cas, l’essentiel est de revenir à une alimentation la plus brute, naturelle et non transformée possible, sans concentration de sucre ni trop de sucres ajoutés.

 

Notre organisme n’est pas conçu pour faire face à une surconsommation quotidienne de sucre. En excès, le sucre est systématiquement mis en réserve, sous forme de graisse. Ce stockage favorise de nombreuses pathologies : obésité, diabète, inflammations chroniques, vieillissement prématuré, dégénérescence cellulaire, maladies neurodégénératives, etc.

 

Les sucres ont aussi un fort pouvoir addictif. Ils perturbent les signaux de satiété, et nous poussent à manger bien plus que nécessaire. Cela suffit à justifier une limitation volontaire de leur consommation.

En France, l’ANSES rappelle que la réduction des apports en sucre passe par une diminution globale du goût sucré dans l’alimentation, et ce dès la petite enfance, pour éviter l’ancrage précoce de préférences gustatives excessives. Par ailleurs, l’ANSES souligne que les édulcorants intenses ne présentent aucun bénéfice démontré en matière de contrôle du poids, de glycémie chez les personnes diabétiques ou de réduction du risque de diabète de type 2. Se tourner vers ces substituts n’est donc pas une solution fiable.